Sécurité en Espagne : entre resserrement des contrôles et vigilance renforcée
L’Espagne continue de séduire par son art de vivre, son histoire et sa générosité touristique. Pourtant, ces dernières années, les signaux d’alerte se multiplient. De la petite délinquance dans les rues débordées de touristes aux tensions sociales dans certaines municipalités, la sécurité en Espagne mérite maintenant un regard détaillé et professionnel.
1. Données globales : une performance sécuritaire contrastée
Les indicateurs macroéconomiques donnent à l’Espagne une image mitigée. Selon Numbeo, le pays affiche un indice de criminalité autour de 37 / 100 en 2025, dans la moyenne des pays européens sûrs. D’autres sources, telles que le site World Population Review, indiquent un score proche de 36 / 100. Globalement, la criminalité violente reste faible : le taux d’homicides s’élevait à 0,64 pour 100 000 habitants en 2020, bien en dessous de la moyenne européenne.
Mais ce bon classement cache une réalité chiffrée : l’Espagne se classait en 2022 au deuxième rang des pays européens pour le nombre de vols enregistrés par habitant. Certaines études évoquent 48,8 infractions pour 1 000 résidents en 2023, soit une légère baisse par rapport aux niveaux pré-pandémiques.
2. Tourisme et petites infractions : l’Espagne reste vulnérable
Le tourisme de masse, moteur économique, attire aussi les pickpockets et escrocs. Des rapports officiels – évoqués par le gouvernement canadien – signalent que la petite délinquance est particulièrement présente dans les grandes villes, zones touristiques, festivals et week-ends. Madrid et Barcelone concentrent les risques, notamment autour des attractions historiques, des gares et en zone côtière.
Des incidents récents, tels que des vols à l’arraché de montres de luxe sur autoroute ou des arnaques de type « highway pirates », ont touché des touristes en voiture de location. Les hôtels ne sont pas non plus exempts : une famille britannique à Benidorm a signalé un cambriolage dans sa chambre, perpétré sans effraction, vraisemblablement par des complices internes.
3. Violence urbaine et incivilités : faits divers inquiétants
Même si les agressions violentes restent rares, certains lieux touristiques sont le théâtre de violences ciblées : agressions dans les bars, usage de gaz poivré ou coups soumis par des videurs trop zélés, notamment à Benidorm.
Les îles Baléares, déjà pointées du doigt pour la petite délinquance, ont été le théâtre d’agressions plus graves à Majorque et aux Canaries : un octogénaire britannique a été violemment agressé lors d’une simple promenade, et à Cala Millor, un touriste de 85 ans a été projeté au sol.
4. Terrorisme et troubles civils : vigilance maximale
Les risques liés au terrorisme restent une priorité pour les autorités. Le gouvernement canadien conseille de rester vigilant face aux actions terroristes potentielles, tout comme le département d’État américain, qui place l’Espagne en « niveau 2 : exercer une vigilance accrue ». Le Royaume-Uni et l’Australie rank Spain at alert niveau élevé, recommandant des précautions contre d’éventuelles attaques.
Les États contiennent également des risques de troubles publics : grèves, manifestations, parfois violentes, ponctuent l’actualité. Par exemple à Torre‑Pacheco (Murcie), des violences xénophobes ont éclaté suite à l’agression d’un citoyen âgé, entraînant des émeutes et une intervention policière d’envergure.
5. Réponses institutionnelles : entre fermeté et prévention
Pour répondre à ces défis, l’Espagne a mis en place une stratégie renforcée. Le Conseil de sécurité nationale a adopté des plans ciblés sur la lutte contre le terrorisme, la cybercriminalité et le crime organisé depuis 2019.
Aux aéroports, notamment Madrid-Barajas, la présence policière s’est accrue, avec notamment l’expulsion de centaines de personnes sans-abri impactant la sécurité sanitaire et publique .
Pour la petite délinquance, les autorités locales intensifient les patrouilles dans les zones touristiques, et relancent les campagnes de sensibilisation auprès des visiteurs. Les offices de tourisme conseillent aujourd’hui de verrouiller ses bagages, de rester en groupe et de ne pas céder aux sollicitations dans la rue.
6. Enjeux sociétaux : tensions migratoires et pression touristique
Deux phénomènes pèsent sur la stabilité sociale. D’une part, les tensions anti‑migrants, comme à Torre‑Pacheco, ont mis en lumière la fragilité d’un vivre‑ensemble mis à mal par les défaillances politiques et l’augmentation des violences xénophobes.
D’autre part, l’hostilité des populations locales envers le tourisme de masse monte en puissance : manifestations dans les îles Baléares et à Barcelone en 2024 marquent un tournant. Les autorités locales ont réagi par des politiques restrictives sur les locations Airbnb, l’instauration d’une éco‑taxe et l’encadrement des navires de croisière.
7. Recommandations pour un séjour serein
- Adopter la prudence : éviter les zones isolées la nuit, rester vigilant face aux sollicitations spontanées.
- Sécuriser ses biens : sacs fermés, valises verrouillées, chaussures proposées sous la porte à l’hôtel.
- Prévoir une assurance voyage couvrant vols, agressions, perte de documents.
- Suivre l’actualité locale : itinéraires de manifestation, restrictions d’accès, alertes officielles.
- Signaler toute situation douteuse à la police nationale ou la Guardia Civil (112, numéro d’urgence européen).
Un état des lieux nuancé
Si l’Espagne reste largement sûre, comme le confirment les statistiques et les classements, plusieurs signaux d’alerte justifient une vigilance accrue. Les autorités font évoluer leur posture entre fermeté et sensibilité, mais le visiteur doit impérativement accompagner cette dynamique par des gestes simples de prévention. Au fond, la sécurité en Espagne est une responsabilité partagée : l’État, les collectivités territoriales et les voyageurs doivent coopérer pour préserver l’expérience touristique et le lien social profondément enraciné dans ce pays.